mardi 20 septembre 2011

L'association Anticor dénonce le système Chirac à Paris

Les avocats de l'association anti-corruption Anticor ont accusé lundi l'ancien président Jacques Chirac d'avoir délibérément organisé un système de détournement de fonds publics avec des emplois de chargés de mission à la mairie de Paris.
Dans ce procès historique, où l'ancien chef de l'Etat est dispensé de comparaître physiquement pour raisons médicales, et où le témoin-clef Alain Juppé a prétexté d'un voyage en Libye pour être dispensé de déposer, Anticor est la seule voix discordante.
Ses avocats Jérôme Karsenti et Jérémy Afana-Jacquart ont délivré deux plaidoiries très techniques, semblables à un réquisitoire du ministère public, pour soutenir la thèse retenue à l'issue de l'instruction par deux juges indépendants, celle d'un système de détournement de fonds publics.
Objets du procès, les 28 emplois présumés fictifs à l'Hôtel de ville en 1992-1995, quand Jacques Chirac était maire de Paris, ne constituent qu'une sorte d'échantillon d'un dispositif beaucoup plus vaste, où les bénéficiaires se comptaient en centaines, ont-ils soutenu.
Surtout, a dit Me Karsenti, il s'agissait non de malencontreuses erreurs ou maladresses involontaires noyées dans les 40.000 employés de l'Hôtel de ville, comme le plaide la défense de Jacques Chirac, mais d'actes volontaires de détournement de fonds publics.
"M. Chirac a organisé avec les 'chargés de mission' de la Ville de Paris son réseau d'influence avec pour objectif final l'Elysée, qui a été atteint en 1995", a-t-il dit.
Paradoxe final de ce procès inhabituel dans son déroulement, il a tenté d'invalider l'argumentaire du parquet.
Ce dernier, en effet, soutient l'innocence de Jacques Chirac en avançant l'argument qu'il n'y aurait pas eu de sa part l'intention de commettre un délit.
ABSENCE DE CONTRÔLE ET DÉCISIONS LÉGALES
Cet argumentaire du parquet est un comble, ont soutenu les avocats d'Anticor, qui ont déposé sur le bureau du tribunal, en plus de leurs plaidoiries, des conclusions de 127 pages.
Ils y relèvent que c'est Jacques Chirac qui a créé les chargés de mission dès son arrivée à l'Hôtel de ville en 1977, puis les a développés sans retenue, alors même que la municipalité de la capitale comptait des milliers d'employés dans tous les corps de métier.
Cette "volonté de déroger au droit commun traduit la volonté de Jacques Chirac de mettre en place un système sous sa coupe", soutient Me Karsenti.
Ces 'chargés de mission' étaient recrutés de manière discrétionnaire par le maire, soustraits à tout contrôle et ils obtenaient des notes administratives maximales du maire alors même que certains ne mettaient jamais les pieds à la mairie, souligne-t-il.
L'avocat a repris un par un tous les cas retenus par l'instruction, la "rédactrice de notes de lecture" rencontrée dans une réception et dont le présumé travail n'a laissé aucune trace, ainsi que les employés au service de dignitaires RPR, de petits partis de droite, d'associations électorales ou encore du dirigeant syndical Marc Blondel.
Anticor a souligné l'exemple de Marie-Thérèse Poujade, épouse d'un important élu RPR, qui a perçu 450.000 euros de 1981 à 1993 pour des "conseils culturels" dont il ne reste aucune trace, sans jamais venir à l'Hôtel de ville, et qui recueillait la note administrative maximale. Co-prévenue de Jacques Chirac, elle est aussi dispensée de comparaître pour raisons médicales.
"Ces fonds ont faussé le jeu démocratique, favorisant le parti de Jacques Chirac. Cette violation du principe d'égalité constitue l'atteinte la plus grave à l'égard des institutions et de l'Etat de droit", estime Anticor dans ses conclusions.
Deux magistrats du parquet, Michel Maes et Chantal de Leiris, requerront mardi à contre-courant du rôle habituel de l'accusation, afin d'obtenir la relaxe des dix prévenus.
La défense de ces derniers aura ensuite jusqu'à vendredi pour dire la même chose. Les avocats de Jacques Chirac espèrent en prime faire déclarer Anticor irrecevable.

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