dimanche 22 janvier 2012

Chez le brodeur Montex, nouvelle perle à l'arc de Chanel

Placardés au mur, les croquis de la collection Chanel de haute couture qui sera présentée mardi disparaissent presque sous les échantillons de camélias brodés, imprimés camouflage en sequins et autres créations.

Dans les ateliers du brodeur parisien Montex, spécialisé dans la broderie au crochet Lunéville, à l'aiguille et à la machine Cornely, une cinquantaine de personnes - trente en temps normal - s'attellent dans le calme à confectionner les ornements des silhouettes imaginées par Karl Lagerfeld.

"Il reste deux ou trois modèles à terminer - sur une vingtaine -, ils vont avoir les pièces tard et ils le savent", glisse dans un sourire Annie Trussart, la pétulante directrice artistique de l'atelier fondé en 1939 et racheté mi-décembre par Chanel, de loin son plus gros client.

Montex a rejoint Paraffection, la filiale dédiée aux métiers d'art de la maison de la rue Cambon, qui compte déjà dans son giron le brodeur Lesage, le bottier Massaro, le parurier Desrues, le plumassier Lemarié, le chapelier Maison Michel, l'orfèvre Goossens et le parurier floral Guillet, tous acteurs de la haute couture et fournisseurs sans exclusivité des grandes maisons de mode.

"Paraffection n'est pas une oeuvre de mécénat", prévient Bruno Pavlovsky, président de Paraffection et des activités mode de Chanel. "On leur apporte un très fort soutien administratif et leurs métiers exceptionnels valorisent Chanel."

Grâce à leur savoir-faire, ces artisans du luxe, symboles d'un précieux "made in France", permettent aux grandes maisons de proposer des produits uniques, dont la qualité perceptible justifie des prix faramineux. Une robe de haute couture, qui nécessite plusieurs centaines d'heures de travail, atteint facilement plusieurs dizaines de milliers d'euros.

CONCRÉTISER UNE INSPIRATION

Rue Montyon, dans le 9e arrondissement, toutes les commandes de Givenchy, maison du groupe LVMH sont, elles, terminées.

Dans l'atelier principal baigné de lumière et tapissé de visuels de mode, les seize pièces de ce qui sera une robe Chanel en tweed bleu sont dispersées sur les métiers à tisser, où elles se parent lentement de milliers de paillettes.

Un peu plus loin, un brodeur orne de pierres une paire de collants, tandis que dans le fond de la pièce, Fernanda, 28 ans de maison, s'attaque au dos de la robe de mariée, pièce phare d'un défilé de haute couture.

Le compte à rebours a été lancé mi-décembre quand Annie Trussart a reçu la photo d'un bijou en calcédoine et saphirs créé par Suzanne Belperron dans les années 30 et choisi par Karl Lagerfeld pour donner le "la" de la collection printemps/été 2012: laiteux, à la fois opaque et transparent, dans un camaïeu de bleu.

Montex a alors préparé ses fournitures, notamment en piochant dans ses réserves: deux pièces remplies du sol au plafond de paillettes, pierres et autres accessoires.

Les croquis de Karl Lagerfeld, très flous, sont ensuite arrivés. Les ateliers doivent concrétiser cette inspiration en proposant plusieurs échantillons - camélias et éventails chez Montex cette saison - jusqu'à ce qu'ils soient validés.

"C'est un gros travail de création", explique Annie Trussart, entrée chez Montex en 1982 après avoir été repérée dans la prestigieuse école parisienne Duperré.

UN MILLIER DE CLIENTES

Les groupes de luxe se plaisent à mettre à l'honneur le travail de ces "petites mains" lors de la haute couture, très importante en termes d'image puisqu'elle incarne le summum de la création, du raffinement et du luxe.

Hors de tout calendrier de la mode, Chanel, qui propose huit collections par an, organise aussi chaque année depuis 2002 un somptueux défilé "Métiers d'art", dont l'opus 2011 baptisé "Paris-Bombay" a coïncidé avec l'annonce du rachat de Montex.

Si tous les ateliers étaient viables avant leur rachat, ces petites structures restent dépendantes de la santé du secteur du luxe et surtout de la haute couture, un tout petit marché, même s'ils interviennent également dans le prêt-à-porter.

"La haute couture va beaucoup mieux que dans les années 2008-2009. Il y a plus de clientes qui s'y intéressent, notamment depuis quatre ans, en Russie, en Chine et au Moyen-Orient", explique le directeur de Paraffection. Chanel, précise-t-il, a potentiellement un petit millier de clientes, qui ont fait, font ou feront appel à ce service.

Pour Didier Grumbach, président de la Fédération française de la couture et du prêt-à-porter, "ce sont des savoir-faire qui sont ainsi régénérés car les métiers d'art bénéficient ainsi d'un réseau nouveau que leur apporte Chanel".

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