La réélection à Taïwan d'un président artisan du rapprochement avec la Chine est un soulagement pour Pékin et Washington, mais Ma Ying-jeou pourrait connaître un second mandat plus difficile, entre les attentes de son voisin et les craintes des Taïwanais, selon les analystes.
Au lendemain des élections présidentielles, l'agence officielle chinoise Chine nouvelle estimait que la victoire de Ma pourrait offrir de "nouvelles opportunités pour le développement pacifique des relations à travers le détroit" de Formose.
Les Etats-Unis ont félicité le vainqueur et lui ont apporté leur appui à la poursuite du rapprochement entre Taipei et Pékin.
"La paix, la stabilité et l'amélioration des relations entre les deux rives du détroit (de Formose), dans un environnement débarrassé de toute intimidation, revêtent une grande importance pour les Etats-Unis", a déclaré la Maison Blanche dans un communiqué.
Pour Chu Shulong, expert en relations internationales à l'université Tsinghua de Pékin, le résultat des élection "est le meilleur scénario pour les relations entre les deux rives du détroit".
"La victoire de Ma va permettre que la stabilité et le développement des liens entre les deux parties se poursuivent, dans le sillage des quatre années passées", estime-t-il.
Lors de son premier mandat, Ma Ying-jeou a oeuvré au réchauffement des relations entre Taïwan et son puissant voisin, séparés depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949. Une amélioration consacrée par la signature en 2010 d'un grand accord-cadre de coopération économique entre les deux territoires.
Mais en-dehors du volet économique, Ma, un juriste de 61 ans formé aux Etats-Unis, s'est toujours comporté avec circonspection face à Pékin, assurant régulièrement à ses concitoyens que sa priorité restait le maintien de la souveraineté de Taïwan.
Sa prudence a payé lors des élections de samedi, notent les analystes.
"Il n'y a aucun besoin d'aller plus vite que ce qu'a fait Ma jusqu'à présent. L'approche progressive accompagnée d'une affirmation de l'autonomie de Taïwan est populaire", souligne Clayton Dube, un expert sur Taïwan à l'université de Californie du sud.
Reste à savoir si Pékin est satisfait du rythme actuel des mesures ou s'il préfèrerait une accélération, avec un élargissement aux sujets politiques, tels que la signature d'un traité de paix.
Taïwan (république de Chine) et la Chine (république populaire de Chine) sont séparées depuis 1949. Taïwan est indépendante de fait depuis, mais Pékin la considère comme une province rebelle, n'excluant pas la force pour la faire revenir dans son giron.
Pour Joseph Wu, analyste politique à l'université nationale Chengchi, les prochains mois risquent d'être délicats car Pékin se prépare à une transition du pouvoir --le président et le Premier ministre vont céder leur siège prochainement--.
"Il y aura une accélération des pressions avant que le président chinois Hu Jintao cède sa place en octobre car Hu veut laisser en mémoire ses actions en matière de relations entre les deux rives du détroit", ajoute l'analyste, ancien haut responsable politique chargé des liens avec la Chine lorsque le Parti progressif démocratique --anti-Pékin-- était au pouvoir.
Ma "sera probablement trop faible pour résister à la pression chinoise et défendre la souveraineté de Taïwan", estime-t-il.
Mais les responsables chinois sont de plus en plus conscients de la manière dont les démocraties, comme Taïwan, fonctionnent.
"Le gouvernement chinois est sans aucun doute satisfait de la réélection (de Ma) et comprend la dynamique en oeuvre à Taipei", déclare John Ciorciari, expert à l'université du Michigan.
"La Chine va presser Ma de s'engager plus encore mais sans trop forcer pour ne pas courir le risque de le coincer aux yeux des Taïwanais, qui pourraient alors porter au pouvoir" l'opposition lors des prochaines présidentielles, précise-t-il.
Taipei et Pékin vont continuer de renforcer leurs liens commerciaux et d'investissement, en veillant d'éviter tout geste susceptible d'être interprêté comme un pas vers la réunification, indiquent les analystes.
"La Chine ne se fait pas d'illusions sur jusqu'où peut aller Ma", affirme George Tsai, de l'université de la culture chinoise à Taipei. "Tant qu'il peut tracer une tendance profonde pour des relations stables, cela suffit à tout le monde".
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