Au premier jour de la plus délicate visite de Benoît XVI dans son pays natal, des Allemands opposés à ses positions sur la sexualité et ulcérés par les affaires de prêtres pédophiles ont manifesté jeudi contre sa venue à Berlin, où des députés ont boycotté le discours qu'a prononcé le pape au Parlement.
Le souverain pontife, qui a rencontré la chancelière Angela Merkel, des responsables politiques et des personnalités de la communauté juive, a été chaleureusement applaudi durant au Bundestag (chambre basse), honneur rarement accordé.
Mais une centaine de députés (la chambre compte 620 sièges) ont boycotté le discours, qui a suscité dans la population de vifs débats sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat.
Quelque 8.000 personnes opposées aux positions conservatrices du pape et révoltées par les affaires d'abus sexuels imputés à des ecclésiastiques ont protesté contre sa venue dans le centre de Berlin, brandissant des banderoles où l'on pouvait lire "Repars chez toi, le pape" ou "Moins de religion = plus de droits de l'homme".
Benoît XVI a même été critiqué par un dirigeant de la communauté juive, Deiter Graubmann, qui l'a par ailleurs félicité de son souci d'améliorer le dialogue entre chrétiens et juifs. Graubmann l'a prévenu que les juifs se sentiraient blessés si le défunt Pie XII, pape durant la Seconde Guerre mondiale, était béatifié.
La journée du pape s'est terminée par la célébration d'une messe en plein air en présence de 70.000 fidèles qui ont prié sous la pluie au Stade olympique de la ville.
"PAS DE CE MONDE"
Benoît XVI avait entamé sa visite en invitant les Allemands à ne pas s'éloigner de l'Eglise malgré les scandales de pédophilie impliquant des religieux. Selon des chiffres officiels, 181.000 catholiques ont quitté l'Eglise en 2010 à la suite des crimes sexuels mis au jour ces dernières années.
"L'Eglise est comme le filet du Seigneur qui peut ramener de bons et de mauvais poissons", a-t-il dit en se référant à une image de Jésus en pêcheur issue des Evangiles. Mais ses paroles n'ont pas apaisé les contestataires tenus à bonne distance par les forces de l'ordre dans le centre de Berlin.
"C'est d'une arrogance impossible, cela montre qu'il n'est pas de ce monde", a commenté Birk Friedrich, 62 ans, qui a passé ses 14 premières années dans un foyer pour enfants catholiques où les abus étaient fréquents selon lui.
"Ce sont l'Eglise et ce pape qui ont permis que l'on cache tous ces abus sous le tapis", a-t-il ajouté sur la Potsdamer Platz où l'une des banderoles déployées affirmait "Mieux vaut Dieu sans Eglise qu'une Eglise sans Dieu".
Des groupes homosexuels opposés aux positions dogmatiques de Benoît XVI en matière de sexualité et de contraception ont envahi la place, parfois déguisés en évêques, voire en pape.
"Pourquoi a-t-il été invité au Parlement ? Il n'a rien à voir avec la politique. Sa politique sur le préservatif vaut un meurtre", a lancé Markus Schuke, 42 ans, employé de l'organisation caritative AIDs.
En revanche, des dizaines de milliers de catholiques ont rempli le stade, dont plusieurs centaines de pèlerins de Pologne vêtus de longues capes rouges où s'inscrivaient une croix et l'image du Christ. "Nous l'aimons et tenions à lui montrer qu'il y a ceux qui protestent et ceux, nombreux, qui l'aiment", a dit Anna Ogorzalek, Polonaise de 23 ans.
RENCONTRE AVEC LES PROTESTANTS DEMAIN
"Pendant des décennies, on nous a mené la vie dure dans l'Allemagne de l'Est communiste, alors il est vraiment formidable que Benoît XVI soit venus parmi nous", renchérissait Walburga Treibmann, infirmière de 50 ans du Land de Brandebourg, près de Berlin.
L'Eglise catholique d'Allemagne a reçu près de 600 demandes d'indemnités pour les victimes de crimes sexuels imputés à des ecclésiastiques, concernant des affaires remontant parfois à plusieurs décennies. Une association de victimes estime à plus de 2.000 le nombre total de victimes.
Le pape a dit comprendre que certains aient été "scandalisés par ces crimes", mais il a souligné que la hiérarchie catholique faisait tout pour prévenir de tels méfaits et réparer le mal infligé à des milliers de personnes.
Pendant son discours au Bundestag, on a pu voir plusieurs rangées de sièges vides, ceux des députés de gauche qui boycottaient la séance.
"Le pape peut célébrer la messe où il veut - dans un champ, une église ou au Stade olympique. Mais il ne devrait pas prendre la parole au Bundestag", a estimé Hans-Christian Ströbele, du parti des Verts, qui s'est abstenu d'aller écouter Benoît XVI dans le cadre entièrement modernisé du Reichstag.
Mais un passage où il faisait l'éloge de "l'essor du mouvement écologique dans la politique allemande depuis les années 1970" a reçu de tels applaudissements d'autres députés Verts que le pape a déclaré : "Je ne suis pas ici pour faire de la propagande en faveur d'un parti politique en particulier."La suite d'infos...
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