Révolutions arabes : Les trois défis de la constitution marocaine Fenêtre sur le Maroc |
Maroc : Les piliers de la réforme constitutionnelle
Le Royaume chérifien de Mohammed VI est-il en train de réussir une transition pacifique vers une vraie démocratie ? C’est la question que se posent les observateurs et spécialistes des questions arabes qui ont pu suivre en direct l’annonce par le Roi Mohammed VI de la mouture finale d’une nouvelle Constitution porteuse de profondes réformes politiques et institutionnelles. Dans un discours radiotélévisé adressé à la Nation vendredi 17 juin, Mohammed VI a en effet annoncé les grandes lignes du projet constitutionnel sur lequel a travaillé, trois mois durant, une commission ad hoc de juristes et qui sera définitivement adoptée au terme d’un référendum prévu pour début juillet 2011.
Cette future nouvelle constitution, qui devrait en toute logique passer le cap de la consultation référendaire, s’appuie sur "10 piliers" de réformes, rappelés par le souverain marocain lors de son explication de texte.
D’un point de vue symbolique tout d’abord, la nouvelle constitution adresse des points qui faisaient débat au sein du paysage politique marocain depuis un certain temps, leur apportant des réponses structurelles élaborées par le collège de constitutionnaliste.
Au premier rang de ces questions de société, se trouve le fait que la nouvelle constitution, de manière globale, consacre le caractère pluriel et dynamique de l’identité marocaine, faisant ainsi barrage à toute tentative de repli, qui constituait un danger réel d’insularisation du Royaume chérifien. Ceci se traduit notamment à travers la constitutionnalisation d’un nouveau pacte national linguistique, qui inclut la langue Amazigh, mais également à travers une architecture constitutionnelle plus intelligible-et donc plus accessible-sans oublier un préambule fort qui, désormais, fait partie intégrante du nouveau texte.
Autre élément fondamental, la nette avancée en termes de séparation des pouvoirs, le futur "Président du conseil de gouvernement" -qui remplacera le premier ministre- étant désormais nécessairement issu du parti ayant obtenu le plus de voix aux élections, et jouissant de prérogatives et pouvoirs élargis, parmi lesquels un pouvoir de nominations de hauts responsables publics ou la possibilité de dissoudre la chambre des représentants.
Concernant le pouvoir judiciaire, le nouveau texte élargit le champ d’action et les prérogatives de la justice qui est érigée en tant que pouvoir indépendant à part entière. La future constitution accorde aussi des pouvoirs accrus au Parlement et énonce une plateforme juridique et réglementaire pour la mise en œuvre d’une véritable régionalisation.
Cette intégration de la dynamique régionale est la résultante du travail de fond mené par une autre commission spéciale, qui a planché durant plus d’une année sur le projet marocain de décentralisation, faisant appel pour cela à plusieurs autorités en la matière.
Lors de la phase d’élaboration du projet constitutionnel, qui a été marquée par des consultations très larges ouvertes à l’ensemble de la société civile, le projet de texte a fait l’objet de débats intenses, notamment entre les leaders des partis politiques et les dirigeants syndicalistes autour notamment de l’identité islamique de l’Etat, l’amazigh en tant que langue officielle et la composante future du Conseil supérieur de l’autorité judiciaire. Après un certain nombre de retouches apportées par la Commission consultative de révision de la Constitution sous le regard critique et vigilant du mécanisme politique de suivi de la réforme constitutionnelle, la majorité de ceux qui ont reçu la copie finale ont fini par exprimer leur satisfecit et à appeler à voter en faveur du texte amendé.
Surtout, le changement majeur réside dans le fait que les marocains seront dotés d’une constitution de nouvelle génération, en concordance avec le moment démocratique qu’ils traversent. L’ancien texte, datant de 1996, répondait en effet à un besoin différent, celui de recréer els conditions de confiance entre l’institution monarchique et les partis politiques, qui a depuis été comblé à travers l’expérience d’alternance initiée par Hassan II en 1998, puis poursuivie par Mohammed Vi après son accession au trône en 1999.
D’un point de vue symbolique, la suppression de la notion de sacralité de la personne du roi, qui faisait débat, a été tranchée en faveur d’une formule, plus moderne mais néanmoins adaptée aux spécificités marocaines d’inviolabilité du souverain.
L’idée force qui préside à cette évolution majeure était également de pouvoir disposer d’un instrument de réforme qui permette au Maroc de parachever l’ancrage de son partenariat stratégique avec l’Europe, en permettant la mise en place d’un socle compatible avec la convergence réglementaire, l’une des conditions édictées par Bruxelles afin de pouvoir porter au niveau supérieur la collaboration bilatérale.
Révolutions arabes : Les trois défis de la constitution marocaine
"La Constitution marocaine sera une Constitution des droits de l’Homme, un véritable pacte des droits et des obligations de la citoyenneté".
Par cette déclaration lors de son discours du 17 juin 2011, le Roi Mohamed VI affiche des ambitions qui, au terme des travaux de la commission chargée de rédiger la nouvelle loi fondamentale marocaine, sont à la mesure du choc qu’a connu le monde arabe depuis le printemps historique de 2011. Impulsé par le Roi lors de son discours de mars dernier, ce processus, qui s’inscrit dans un contexte spécifique, visait à profondément démocratiser le système politique et lui permettre de faire face aux défis de l’avenir. On l’a bien compris, ce qui se passe au Maroc est donc doublement important. C’est d’abord un processus d’équilibre entre identité profonde et démocratisation réelle et c’est aussi – surtout ?- un exemple pour toute les sociétés issues du " printemps arabe".
En effet, au Maroc comme ailleurs, l’adoption d’une nouvelle constitution ne peut à elle seule garantir la réalité de la démocratisation et le Maroc devra être capable de faire face à trois défis.
Le défi de la crédibilité démocratique tout d’abord : Il s’agit de répondre à la demande sociale libérée depuis le "printemps arabe" et qui a emporté des régimes politiques voisins pourtant réputés indestructibles. C’est là, bien sûr, le principal intérêt du processus constituant et sa première difficulté. L’exercice est d’autant plus complexe que la rue libérée est porteuse d’irrationnel et que tout compromis reste extraordinairement fragile.
Confronté à ce double défi de la crédibilisation et de l’anticipation, le nouveau texte est à la hauteur – démocratique- des enjeux. Dans ce domaine, toute réalité de démocratisation repose sur trois piliers : donner aux institutions élues une part significative et substantielle des compétences, organiser le pouvoir autour d’équilibres stabilisateurs et incarner la diversité sociale dans le texte telle qu'elle existe vraiment.
Pour satisfaire à ces aspirations, le texte est porteur d'un véritable changement et n’a pas cédé aux sirènes de ceux qui souhaitaient un simple "replâtrage de façade". Néanmoins, il s’agira tout d’abord de "crédibiliser" le fonctionnement démocratique des nouvelles institutions par la démocratisation effective des élections et par l’adhésion de la société civile au processus mis en place. A cet égard, les avancées apparaissent significatives. Comme l’a rappelé le monarque, dans son discours, l’affirmation dans le nouveau texte de "La constitutionnalisation de tous les droits de l’Homme tels qu’ils sont reconnus universellement, avec tous les mécanismes nécessaires pour assurer leur protection et garantir leur exercice." Tout comme la volonté d’octroyer "à l’opposition d’un statut spécial et de mécanismes efficients (…) en matière législative et de contrôle", apparaissent comme des innovations radicales.
Toutefois, le système parlementaire ainsi créé n’existera que si des partis politiques structurés et représentatifs des diversités s’expriment et se développent au sein d’un jeu politique suffisamment ouvert pour permettre l’alternance politique et la crédibilité du processus électoral. De même, et malgré d’éventuelles menaces terroristes, le nouveau pouvoir ne doit pas céder à la tentation sécuritaire. La réalité transitionnelle et démocratique ne fait pas bon ménage avec les lois d’exception et doit – au contraire- montrer une modification radicale des pratiques policières. Le régime se doit pour être crédible dans son accélération des réformes, de résister au discours –tentant mais rapidement démocratiquement suicidaire- de la sécurité à tout prix. Les exemples Tunisien et Egyptien démontrant à l’envie les limites –et les conséquences – de ce discours.
Le défi de la stabilité ensuite. Toute mutation politique (Révolution, transition) est par essence déstabilisatrice et porteuse de risques et de conflit. Tout au long des révolutions arabes, les observateurs occidentaux ont –souvent - fait état de leur crainte devant les risques de dérapage " islamiste" des mouvements sociaux. Il convient donc de garantir, en même temps que la démocratie, des instruments de stabilité et de continuité sociale.
C’est alors la question du Roi et de son rôle qui est posée, tant comme symbole d’incarnation de l’Etat que comme commandeur des croyants, dans un Etat qui tire de l’Islam ses racines identitaires. Avec le nouveau texte dévoilé, le Roi reste ici un gage absolu de stabilité et donc de Démocratisation. D’ailleurs, il ne faudrait pas voir dans le processus en cours une simple réaction, ni oublier que le discours royal du 9 Mars - bien qu’imposé en partie par les exemples tunisien et égyptien - s’inscrit dans la continuité d’un processus de transformation du pays impulsé par le Roi et qui jouit, à ce titre, d’une cohérence et d’une continuité qui participent grandement de sa crédibilité et de ses chances de réussite. Les "Révolutions arabes" tunisienne et égyptienne n’ont fait ici qu’accélérer pour le Maroc un processus déjà réfléchi et engagé. La transition démocratique marocaine, anticipée dès l’arrivée du nouveau monarque, a déjà libéré un certain nombre de victimes, mis en place un organe de vérité et de réconciliation et s’est engagée dans la voie de la modernisation sociale. Un nouveau système doit désormais apparaitre, "monarque citoyen et monarchie citoyenne". C’est bien le paradoxe de cette transition sans révolution : conserver le Roi, tout en bouleversant le régime. La nouvelle constitution se doit donc d’être une nouvelle étape –décisive – sur le chemin de cette démocratisation qui se veut sereine tout autant que radicale.
Le défi de l’avenir, enfin. La démocratisation ce n’est pas simplement de redonner le pouvoir au peuple, mais également de construire un système capable de faire face aux crises, sans pour autant se renier démocratiquement.
L’adoption d’une nouvelle constitution est certes un point d’inflexion fondamental des pratiques politiques, mais elle ne représente qu’une étape, laquelle doit permettre l’expression d’un nouvel avenir. Ce principe rappelé par Mohammed VI dans son discours du 17 juin "Toute Constitution, quel qu’en soit le degré de perfection, ne saurait constituer une fin en soi" reste capital et implique l’accomplissement d’un certain nombre d’objectifs tant pour instaurer des institutions démocratiques que pour servir de cadre à une mobilisation sociale nouvelle.
Dans cette perspective, le nouveau texte paraît porteur d’innovations éminemment favorables. Les nouveaux pouvoirs de la chambre des représentants au sein du parlement bicaméral (dont les compétences passent de 9 à 40 domaines), la position renforcée du chef du gouvernement (tant pour le choix des ministres que pour la direction de l’action administrative), l’amélioration des conditions de la responsabilité gouvernementale sont autant d’éléments positifs. Le système institutionnel mis en place, même s’il conserve au monarque un rôle institutionnel fort, s’inspire désormais des solutions classiquement retenues pour les régimes parlementaires dualistes.
De même, les éléments destinés à favoriser l’indépendance de la justice et le respect des libertés constitutionnellement garanties doivent être incontestablement salués.
C’est, de plus, dans le domaine de la reconnaissance des minorités et des langues que le nouveau texte va - enfin - consacrer un certain nombre de valeurs. La reconnaissance de la langue Amazigh (reconnue comme langue co-officielle à coté de la langue arabe et dont Mohamed VI a appelé à sa " réhabilitation comme patrimoine commun à tous les Marocains" et promis une loi organique "qui en définira les modalités d’intégration dans l’Enseignement et aux secteurs prioritaires dans la vie publique".) ainsi que la régionalisation s’inscrivent également dans le sens d’une mutation fondamentale et d’une meilleure appréhension des réalités sociales par le texte constitutionnel.plus d'infos.
Le Royaume chérifien de Mohammed VI est-il en train de réussir une transition pacifique vers une vraie démocratie ? C’est la question que se posent les observateurs et spécialistes des questions arabes qui ont pu suivre en direct l’annonce par le Roi Mohammed VI de la mouture finale d’une nouvelle Constitution porteuse de profondes réformes politiques et institutionnelles. Dans un discours radiotélévisé adressé à la Nation vendredi 17 juin, Mohammed VI a en effet annoncé les grandes lignes du projet constitutionnel sur lequel a travaillé, trois mois durant, une commission ad hoc de juristes et qui sera définitivement adoptée au terme d’un référendum prévu pour début juillet 2011.
Cette future nouvelle constitution, qui devrait en toute logique passer le cap de la consultation référendaire, s’appuie sur "10 piliers" de réformes, rappelés par le souverain marocain lors de son explication de texte.
D’un point de vue symbolique tout d’abord, la nouvelle constitution adresse des points qui faisaient débat au sein du paysage politique marocain depuis un certain temps, leur apportant des réponses structurelles élaborées par le collège de constitutionnaliste.
Au premier rang de ces questions de société, se trouve le fait que la nouvelle constitution, de manière globale, consacre le caractère pluriel et dynamique de l’identité marocaine, faisant ainsi barrage à toute tentative de repli, qui constituait un danger réel d’insularisation du Royaume chérifien. Ceci se traduit notamment à travers la constitutionnalisation d’un nouveau pacte national linguistique, qui inclut la langue Amazigh, mais également à travers une architecture constitutionnelle plus intelligible-et donc plus accessible-sans oublier un préambule fort qui, désormais, fait partie intégrante du nouveau texte.
Autre élément fondamental, la nette avancée en termes de séparation des pouvoirs, le futur "Président du conseil de gouvernement" -qui remplacera le premier ministre- étant désormais nécessairement issu du parti ayant obtenu le plus de voix aux élections, et jouissant de prérogatives et pouvoirs élargis, parmi lesquels un pouvoir de nominations de hauts responsables publics ou la possibilité de dissoudre la chambre des représentants.
Concernant le pouvoir judiciaire, le nouveau texte élargit le champ d’action et les prérogatives de la justice qui est érigée en tant que pouvoir indépendant à part entière. La future constitution accorde aussi des pouvoirs accrus au Parlement et énonce une plateforme juridique et réglementaire pour la mise en œuvre d’une véritable régionalisation.
Cette intégration de la dynamique régionale est la résultante du travail de fond mené par une autre commission spéciale, qui a planché durant plus d’une année sur le projet marocain de décentralisation, faisant appel pour cela à plusieurs autorités en la matière.
Lors de la phase d’élaboration du projet constitutionnel, qui a été marquée par des consultations très larges ouvertes à l’ensemble de la société civile, le projet de texte a fait l’objet de débats intenses, notamment entre les leaders des partis politiques et les dirigeants syndicalistes autour notamment de l’identité islamique de l’Etat, l’amazigh en tant que langue officielle et la composante future du Conseil supérieur de l’autorité judiciaire. Après un certain nombre de retouches apportées par la Commission consultative de révision de la Constitution sous le regard critique et vigilant du mécanisme politique de suivi de la réforme constitutionnelle, la majorité de ceux qui ont reçu la copie finale ont fini par exprimer leur satisfecit et à appeler à voter en faveur du texte amendé.
Surtout, le changement majeur réside dans le fait que les marocains seront dotés d’une constitution de nouvelle génération, en concordance avec le moment démocratique qu’ils traversent. L’ancien texte, datant de 1996, répondait en effet à un besoin différent, celui de recréer els conditions de confiance entre l’institution monarchique et les partis politiques, qui a depuis été comblé à travers l’expérience d’alternance initiée par Hassan II en 1998, puis poursuivie par Mohammed Vi après son accession au trône en 1999.
D’un point de vue symbolique, la suppression de la notion de sacralité de la personne du roi, qui faisait débat, a été tranchée en faveur d’une formule, plus moderne mais néanmoins adaptée aux spécificités marocaines d’inviolabilité du souverain.
L’idée force qui préside à cette évolution majeure était également de pouvoir disposer d’un instrument de réforme qui permette au Maroc de parachever l’ancrage de son partenariat stratégique avec l’Europe, en permettant la mise en place d’un socle compatible avec la convergence réglementaire, l’une des conditions édictées par Bruxelles afin de pouvoir porter au niveau supérieur la collaboration bilatérale.
Révolutions arabes : Les trois défis de la constitution marocaine
"La Constitution marocaine sera une Constitution des droits de l’Homme, un véritable pacte des droits et des obligations de la citoyenneté".
Par cette déclaration lors de son discours du 17 juin 2011, le Roi Mohamed VI affiche des ambitions qui, au terme des travaux de la commission chargée de rédiger la nouvelle loi fondamentale marocaine, sont à la mesure du choc qu’a connu le monde arabe depuis le printemps historique de 2011. Impulsé par le Roi lors de son discours de mars dernier, ce processus, qui s’inscrit dans un contexte spécifique, visait à profondément démocratiser le système politique et lui permettre de faire face aux défis de l’avenir. On l’a bien compris, ce qui se passe au Maroc est donc doublement important. C’est d’abord un processus d’équilibre entre identité profonde et démocratisation réelle et c’est aussi – surtout ?- un exemple pour toute les sociétés issues du " printemps arabe".
En effet, au Maroc comme ailleurs, l’adoption d’une nouvelle constitution ne peut à elle seule garantir la réalité de la démocratisation et le Maroc devra être capable de faire face à trois défis.
Le défi de la crédibilité démocratique tout d’abord : Il s’agit de répondre à la demande sociale libérée depuis le "printemps arabe" et qui a emporté des régimes politiques voisins pourtant réputés indestructibles. C’est là, bien sûr, le principal intérêt du processus constituant et sa première difficulté. L’exercice est d’autant plus complexe que la rue libérée est porteuse d’irrationnel et que tout compromis reste extraordinairement fragile.
Confronté à ce double défi de la crédibilisation et de l’anticipation, le nouveau texte est à la hauteur – démocratique- des enjeux. Dans ce domaine, toute réalité de démocratisation repose sur trois piliers : donner aux institutions élues une part significative et substantielle des compétences, organiser le pouvoir autour d’équilibres stabilisateurs et incarner la diversité sociale dans le texte telle qu'elle existe vraiment.
Pour satisfaire à ces aspirations, le texte est porteur d'un véritable changement et n’a pas cédé aux sirènes de ceux qui souhaitaient un simple "replâtrage de façade". Néanmoins, il s’agira tout d’abord de "crédibiliser" le fonctionnement démocratique des nouvelles institutions par la démocratisation effective des élections et par l’adhésion de la société civile au processus mis en place. A cet égard, les avancées apparaissent significatives. Comme l’a rappelé le monarque, dans son discours, l’affirmation dans le nouveau texte de "La constitutionnalisation de tous les droits de l’Homme tels qu’ils sont reconnus universellement, avec tous les mécanismes nécessaires pour assurer leur protection et garantir leur exercice." Tout comme la volonté d’octroyer "à l’opposition d’un statut spécial et de mécanismes efficients (…) en matière législative et de contrôle", apparaissent comme des innovations radicales.
Toutefois, le système parlementaire ainsi créé n’existera que si des partis politiques structurés et représentatifs des diversités s’expriment et se développent au sein d’un jeu politique suffisamment ouvert pour permettre l’alternance politique et la crédibilité du processus électoral. De même, et malgré d’éventuelles menaces terroristes, le nouveau pouvoir ne doit pas céder à la tentation sécuritaire. La réalité transitionnelle et démocratique ne fait pas bon ménage avec les lois d’exception et doit – au contraire- montrer une modification radicale des pratiques policières. Le régime se doit pour être crédible dans son accélération des réformes, de résister au discours –tentant mais rapidement démocratiquement suicidaire- de la sécurité à tout prix. Les exemples Tunisien et Egyptien démontrant à l’envie les limites –et les conséquences – de ce discours.
Le défi de la stabilité ensuite. Toute mutation politique (Révolution, transition) est par essence déstabilisatrice et porteuse de risques et de conflit. Tout au long des révolutions arabes, les observateurs occidentaux ont –souvent - fait état de leur crainte devant les risques de dérapage " islamiste" des mouvements sociaux. Il convient donc de garantir, en même temps que la démocratie, des instruments de stabilité et de continuité sociale.
C’est alors la question du Roi et de son rôle qui est posée, tant comme symbole d’incarnation de l’Etat que comme commandeur des croyants, dans un Etat qui tire de l’Islam ses racines identitaires. Avec le nouveau texte dévoilé, le Roi reste ici un gage absolu de stabilité et donc de Démocratisation. D’ailleurs, il ne faudrait pas voir dans le processus en cours une simple réaction, ni oublier que le discours royal du 9 Mars - bien qu’imposé en partie par les exemples tunisien et égyptien - s’inscrit dans la continuité d’un processus de transformation du pays impulsé par le Roi et qui jouit, à ce titre, d’une cohérence et d’une continuité qui participent grandement de sa crédibilité et de ses chances de réussite. Les "Révolutions arabes" tunisienne et égyptienne n’ont fait ici qu’accélérer pour le Maroc un processus déjà réfléchi et engagé. La transition démocratique marocaine, anticipée dès l’arrivée du nouveau monarque, a déjà libéré un certain nombre de victimes, mis en place un organe de vérité et de réconciliation et s’est engagée dans la voie de la modernisation sociale. Un nouveau système doit désormais apparaitre, "monarque citoyen et monarchie citoyenne". C’est bien le paradoxe de cette transition sans révolution : conserver le Roi, tout en bouleversant le régime. La nouvelle constitution se doit donc d’être une nouvelle étape –décisive – sur le chemin de cette démocratisation qui se veut sereine tout autant que radicale.
Le défi de l’avenir, enfin. La démocratisation ce n’est pas simplement de redonner le pouvoir au peuple, mais également de construire un système capable de faire face aux crises, sans pour autant se renier démocratiquement.
L’adoption d’une nouvelle constitution est certes un point d’inflexion fondamental des pratiques politiques, mais elle ne représente qu’une étape, laquelle doit permettre l’expression d’un nouvel avenir. Ce principe rappelé par Mohammed VI dans son discours du 17 juin "Toute Constitution, quel qu’en soit le degré de perfection, ne saurait constituer une fin en soi" reste capital et implique l’accomplissement d’un certain nombre d’objectifs tant pour instaurer des institutions démocratiques que pour servir de cadre à une mobilisation sociale nouvelle.
Dans cette perspective, le nouveau texte paraît porteur d’innovations éminemment favorables. Les nouveaux pouvoirs de la chambre des représentants au sein du parlement bicaméral (dont les compétences passent de 9 à 40 domaines), la position renforcée du chef du gouvernement (tant pour le choix des ministres que pour la direction de l’action administrative), l’amélioration des conditions de la responsabilité gouvernementale sont autant d’éléments positifs. Le système institutionnel mis en place, même s’il conserve au monarque un rôle institutionnel fort, s’inspire désormais des solutions classiquement retenues pour les régimes parlementaires dualistes.
De même, les éléments destinés à favoriser l’indépendance de la justice et le respect des libertés constitutionnellement garanties doivent être incontestablement salués.
C’est, de plus, dans le domaine de la reconnaissance des minorités et des langues que le nouveau texte va - enfin - consacrer un certain nombre de valeurs. La reconnaissance de la langue Amazigh (reconnue comme langue co-officielle à coté de la langue arabe et dont Mohamed VI a appelé à sa " réhabilitation comme patrimoine commun à tous les Marocains" et promis une loi organique "qui en définira les modalités d’intégration dans l’Enseignement et aux secteurs prioritaires dans la vie publique".) ainsi que la régionalisation s’inscrivent également dans le sens d’une mutation fondamentale et d’une meilleure appréhension des réalités sociales par le texte constitutionnel.plus d'infos.
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